Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/70

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despote ne fut, dans l’histoire, autre chose que le symbole vivant, la personnification de cette impuissance des opprimés : être inconscient, il ne domine pas plus ses sujets par la force ou par la ruse, que le drapeau ne fascine les combattants par l’éclat de ses couleurs.

Mais, si l’histoire suit son cours normal, l’équilibre s’établit de plus en plus entre le milieu et les aptitudes anarchiques de ses occupants ; peu à peu se manifeste le progrès, c’est-à-dire cette transformation du lien social constatée déjà dans la série biologique, et qui monte de la coercition à l’anarchie, de la solidarité imposée à la solidarité voulue. Quant à la distinction établie par Herbert Spencer entre le militarisme produisant l’oppression et l’économisme conduisant nécessairement à la liberté, elle n’explique rien, à mon sens, et ne rend même pas un compte fidèle des faits. C’est par suite surtout de « considérations économiques » que le vilain du moyen âge subissait le brigand féodal ; c’est par l’épée du mercenaire, par la force des armes, que le marchand de Carthage ou de Venise s’imposait au « peuple maigre ». La guerre, je l’ai déjà dit, n’est pas l’acte le plus sanglant de la corvée historique ; il ne répugne pas plus à la moyenne des hommes de mourir en Spartiates sous les flèches des ennemis, que d’expirer, misérables fellah, sous le fouet d’un conducteur de travaux écrasants et inutiles, comme, par exemple, la construction des Pyramides !