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le nominatif était en *-ī, ou, plus simplement, des thèmes en *-ī- ; ainsi ayc այծ « chèvre », instr. ayciw այծիւ, ne répond pas à gr. αἰξ, αἰγός mais à un féminin *aig’ī- ; gort գորտ « grenouille », instr. gortiw գորտիւ rappelle lette warde, c’est-à-dire un thème baltique *wardyē-. — Enfin beaucoup d’adjectifs composés se fléchissent en -i-, comme angorc անգործ « inactif », instr. angorciw անգործիւ, de gorc գործ « œuvre », instr. gorcov գործով, anxrat անխրատ « indiscipliné ; insensé », instr. anxratiw անխրատիւ, de xrat « conseil, discipline », instr. xratu խրատու, etc. On comparera le type latin somnus, exsomnis (voir un essai d’explication M.S.L. XI, 390 et suiv.).

Les thèmes en *-u- représentent les thèmes indo-européens en -u- et en -ū- : ort‘ որթ « veau », instr. ort‘u որթու, cf. skr. pr̥thuka- ; avec suffixe *-tu- : zard զարգ « ornement », instr. zardu զարգու, cf. gr. ἀρτύς ; zgest զգեստ « vêtement », instr. zgestu uզգեստու, de la racine *wes-, cf. lat. ues-tis. Les mots terminés au nominatif par w ւ et v վ ont en grande partie passé à ce type, ainsi kov կով « vache », instr. kovu կովու, cf. gr. βοῦς, βο(ϝ)ός ; haw հաւ « oiseau », instr. hawu հաւու, cf. lat. auis. — Les anciens neutres en -u- ont au nominatif-accusatif une forme élargie par r, ainsi cunr ծունր « genou », cf. gr. γόνυ, et de même les adjectifs comme k‘ałc̣r քաղցր « doux » (v. § 49).

42. — On voit que les suffixes indo-européens ont perdu en arménien leur caractère ancien ; ce qui en indo-européen comprenait deux éléments distincts, racine et suffixe, n’est plus en arménien qu’un mot un : mard մարգ « homme » n’a plus une racine *mer-, *mr̥- et un suffixe *-to- ; il n’y a plus qu’un mot mard մարգ, et ainsi dans tous les cas. Seuls les suffixes dissyllabiques, comme *-iyo-, ont pu conserver leur individualité et subsister en tant que suffixes, dans le type -azgi –ազգի, matani մատանի, etc. (v. § 40) ; de même -in ին dans aṙaǰin առաջին « premier », instr. aṙaǰnov առաջնով, et les autres adjectifs en -in –ին, de *-īno-, cf. gr. ἀγχιστ-ῖνος « qui est tout près ». Par suite les suffixes arméniens ne représentent pas la plupart du temps des suffixes indo-européens, mais, comme ceux des autres langues à même date, des formes élargies de ceux-ci ; par exemple on a -oyt‘ -ոիթ de *-eu-ti- dans erewoyt‘ երեւոյթ « apparition », instr. erewut‘iw երեւութիւ à côté de erewel երեւել « paraître » ; cf. -ευ- dans gr. τελ-ευ-τή