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n’avaient pas, à proprement parler, de formes casuelles en indo-européen.

Le nominatif a conservé son indépendance vis-à-vis des autres cas ; es ես a été expliqué § 26 et du դու § 11 ; mek‘ մեք « nous » rappelle lit. mēs (et v. sl. my) ; duk‘ դուք « vous » est sans doute un arrangement de la forme (*ǰuk‘ ?) correspondant à lit. jũs, got. jus, av. yūš, d’après le singulier du դու.

Les thèmes des autres cas sont : im իմ, cf. gr. ἐμέ, ἐμοῦ (eme, emou) (n intérieure de inēn ինէն, inew ինեւ est due à l’influence de *ins, d’où is իս, et de inj ինձ) ; k’e- քե– cf. gr. σέ (se) de *τϝέ ; me- մե– et je- ձե–, ces deux derniers assez obscurs ; le nominatif mek‘ մեք « nous » est sans doute pour beaucoup dans la fixation de me- մե– ; quant à je- ձե–, on sait que le pronom de 2me personne du pluriel a des formes divergentes dans les diverses langues.

Le -r –ր du génitif mer մեր « de nous » et jer ձեր « de vous » est l’ancien suffixe indiquant opposition de deux comme dans le latin nostrum, uestrum, cf. got. unsar, izwar (voir § 57) ; il se retrouve dans le réfléchi iwr իւր, qui repose sur *sewe-ro- ou *sewo-ro ; cf. les accusatifs lit. savę, homér. έ(ϝ)έ.

La distinction de l’accusatif-locatif is իս « moi » et du datif inj ինձ « à moi » montre que la confusion de l’accusatif-locatif et du datif dans les autres pronoms est secondaire. Le j ձ de inj ինձ répond au h de skr. máhyam « à moi » et de même à h de lat. mihī, ombrien mehe ; il a passé de là aux autres pronoms en devenant z entre voyelles. Le -s –u de is իս peut représenter un plus ancien c, comme celui du nominatif es ես et alors on y verrait le correspondant du i.-e. *g’e de got. mik, gr. ἐμέ-γε ; la nasale de l’ancien accusatif *ins répondant à gr. ἐμέ est tombée devant s. Dans les autres pronoms, l’accusatif-locatif *k‘es, etc. et le datif k‘ez, etc. ont été identifiés l’un à l’autre.

D. EMPLOI DES FORMES NOMINALES.
a) Genre.

60. — L’arménien, conservant une distinction de thèmes en -o- et en -a-, aurait pu opposer les genres masculin et féminin ; néanmoins il n’a pas trace d’une distinction de ces deux genres ; il est remarquable que l’iranien de Perse ait éliminé la notion de genre