Page:Meillet - Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique (1936).djvu/96

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L’accusatif sert à déterminer un verbe : Luc I, 13 cnc̣i k‘ez ordi ծնցի քեզ որդի γεννήσει υιόν σοι (gennêsei uion soi), et, avec double accusatif : Luc VI, 9 harc̣ic̣ inč̣ zk‘ez հարցից ինչ զքեզ (rogabo te aliquid), ou avec prédicat : Mt. XV, 32 arjakel zdosa nawfis ա րձա կե լոո ոաաաաա նաւթիս Ա7ՀՕնւ) ἀπολῦσαι αὐτοὺς νήστεις (apolusai autous nêsteis). Il indique aussi la durée : Luc I, 56 ekac̣ amiss eris եկաց ամիսս երիս ἔμεινεν …μῆνας τρεῖς (emeinen …mênas treis). Avec les prépositions i ի « dans », aṙ առ « près », ənd ընդ « à travers » (sur les emplois de cette préposition cf. Finck, K. Z. XXXIX, p. 501-538), ց « vers », il marque le lieu vers lequel est dirigée l’action, ainsi Luc I, 23 gnaç i tun iwr գնաց ի տուն իւր ἀπῆλθεν εἰς τὸν οἶϰον αὐτοῦ (apêlthen eis ton oikon autou). L’arménien reproduit ici le même état que les autres langues de la famille. — Le nominatif-accusatif anun անուն, dans les exemples tels que Luc I, 5 k’ahanay omn anun Zak‘aria քահանայ ոմն անուն Զաքարիա ἱερεύς τις ὀνόματι Ζαχαρίας (hiereus tis onomati Zacharias) répond au nominatif-accusatif gr. ὄνομα (honoma) dans homér. ϰύϰλωπες δ’ ὄνομ’ ἦσαν (kuklôpes d’onom’êsan) ou v. perse nâma dans Kambuǰiya nāma « un nommé Cambyse ». — L’innovation la plus considérable de l’arménien est celle-ci : tout accusatif d’un nom déterminé reçoit la préposition z զ, s’il n’est pas précédé de quelque autre préposition, ainsi Luc I, 32 taçē nma… zat‘oṙn Dawt‘i տացէ նմա զաթոռն Դաւթի δώσει αὐτῷ τὸν θρόνον Δαυείδ (dôsei autô ton thronon Daueid), les démonstratifs et les pronoms personnels étant déterminés par essence sont toujours accompagnés de z զ, et même l’interrogatif zi զի « quoi » n’est attesté qu’avec la préposition z զ, si bien que zi զի a fini par servir de nominatif. Cette innovation de l’arménien est achevée dès les plus anciens textes ; il est donc impossible d’en suivre le développement ; la valeur ancienne de z զ était ici sans doute « par rapport à ».

64. — Le génitif indo-européen était le cas auquel se mettait le complément d’un substantif ; et, en second lieu, il exprimait le tout dont on prend une partie ; en ce second sens il pouvait servir de complément direct d’un verbe : homér. λωτοῖο φαγών (lôtoyo phagôn) « ayant mangé du lotus ». L’arménien n’a conservé que le premier emploi, mais avec toute son étendue ancienne ; le génitif prédicat n’en est qu’un cas particulier, ainsi dans Luc III, 11 oyr ic̣en erku handerjk‘ ոյր իցեն երիու հանդերձք (de qui sont deux vêtements) ὁ ἔχων δύο χιτῶνας (ho echôn duo chitônas). Le génitif n’est jamais accompagné d’aucune des prépositions proprement dites, non plus qu’en indo-iranien ou en latin.