Page:Meillet - Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique (1936).djvu/97

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— Il y a de plus deux emplois particuliers : 1o Le génitif absolu, semblant servir de sujet au verbe qui suit : Luc VIII, 54 nora haneal zamenesin artak‘s kalaw նորա հանեալ զամենեսին արտաքս կալա… αὐτὸς δὲ ἐϰϐαλὼν ἔξω πάντας ϰαὶ ϰρατήσας… (autos de ekbalôn exô pantas kai kratêsas) 2o Le génitif semblant servir de sujet à la forme impersonnelle (à la 3me pers. sing.) composée du participe en -ealեալ (en principe seulement quand celui-ci est transitif) et du verbe être : Luc II, 26 ĕr nora hraman areal էր նորա հրաման արեալ « il avait reçu le décret… » ; avec im իմ au lieu de nora նորա f la phrase signifierait « j’ai reçu… » ; avec mer մեր « nous avons reçu… », etc. Ce tour, qui semble trahir des influences caucasiennes, suppose sans doute que les participes arméniens en -ealեալ seraient d’anciens substantifs (v. § 98).

65. — Le datif indique à qui ou à quoi l’action est destinée : Luc I, 49 arar inj mecamecs արար ինձ մեծամեծս ἐποίησέν μοι μεγάλα (epoiêsen moi megala) ; le datif avec un verbe signifiant « entendre » signifie en arménien, comme en sanskrit, en grec et en latin, « entendre pour obéir à quelqu’un, obéir » : Luc IX, 35 dma luaruk‘ դմա լուարուք « écoutez-le » (obéissez-lui). La construction du type lat. est tibi nomen est fréquente : Luc V, 27 orum anun ēr որում անուն Էր dont le nom était ». — Le datif ne s’emploie dans les diverses langues indo-européennes qu’avec très peu de préposition (en védique avec kám postposé, en slave avec , en avestique avec ā) ; en arménien il se trouve avec əst ըստ « selon » : Luc I, 38 ełic̣i inj əst bani k‘um եղիցի ինձ էստ բանի քում γένοιτο μοι ϰατὰ τὸ ῥῆμά σου (genoito moi kata to rhêma sou) ; Luc II, 22 est awrinac̣ ϰατὰ τὸν νόμον (kata ton nomon) ; Luc II, 24 əst asac̣eloyn ըստ ասացելոյն ϰατὰ τὸ εἰρημένον (kata to eirêmenon), chacune des formes citées ici est ambiguë, mais rapprochées elles indiquent nécessairement le datif, car bani k‘um բանի քում est datif ou locatif, awrinac̣ աւրինաց et asac̣eloyn ասացելոյն génitif-datif ou ablatif : le datif seul est commun. — On a aussi le datif avec ənd ընդ : Luc V, 36 ənd hnoyn č̣miabani ընդ հնոյն չմիաբանի τῷ παλαιῷ οὐ συμφωνήσει (tô palaiô ou sumphônêsei).

66. — Le locatif, toujours accompagné de préposition en arménien, indique le lieu et le temps où l’action s’accomplit, ce qui est la valeur indo-européenne. La préposition est le plus souvent i ի, sans doute identique à gr. ἐν (en), lat. in, got. in, etc. : Luc I, 10 kayin