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Page:Meillet - La méthode comparative en linguistique historique, 1925.djvu/109

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créations phonétiques

que y était inconnu de tous les parlers grecs dès une époque bien antérieure à l’époque historique et que, lors de l’emprunt de l’alphabet phénicien, le signe du yod a été affecté à noter seulement la voyelle i, au contraire w (qu’on nomme en grec digamma) a subsisté longtemps à l’époque historique ; certains textes de beaucoup de parlers ont encore tous les anciens w ; d’autres, qui gardent le w initial, ont perdu déjà le w intervocalique ; quelques particularités de l’attique montrent que, avant l’époque historique, le w y a existé. L’élimination de w n’a donc eu lieu que longtemps après l’élimination de y. Néanmoins, les deux phénomènes résultent d’une même tendance fondamentale ; or, la langue doit à ce changement une part notable de la différence d’aspect qu’on remarque entre l’indo-européen et le grec.

Quelquefois l’unité de la tendance est masquée par des accidents particuliers. Ainsi, en roman, à l’initiale du mot, les anciens y et w ont tendu à prendre un caractère plus consonantique que celui qu’avaient i et u consonnes en latin. L’i consonne est devenu , d’où fr. j ; ainsi de iam on a en italien gia et en français ja- (dans jamais). L’u consonne est devenu aussi plus consonne ; mais le latin avait déjà f labio-dentale ; la sonore correspondante, v, manquait ; la forme consonantique de u est venue remplir cette case vide du système phonétique. Or, comme f et v sont des consonnes stables, ces spirantes ont subsisté. Le traitement de i consonne a cessé ainsi d’être parallèle à celui de u consonne. — À l’intérieur du mot, entre voyelles, le latin avait perdu i consonne bien avant l’époque historique alors que u consonne subsistait ; le u consonne intérieur a passé aussi à la prononciation spirante, soit v.