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créations morphologiques

finnoise avec celles qui parlaient le letto-lituanien.

Plus caractéristiques que les pertes, sont les innovations. En indo-européen, les thèmes verbaux exprimaient l’ « aspect » : le duratif (présent), le procès pur et simple (aoriste), le procès achevé (parfait), le procès arrivant à son terme (aspect déterminé), etc. Ils n’exprimaient jamais le temps. Le futur n’avait pas d’expression propre. La distinction du présent et du passé s’exprimait par des différences de désinences qui servaient aussi à d’autres usages, ou par l’augment, qui est un mot accessoire, et qui se rencontre seulement dans un groupe dialectal : indo-iranien, arménien et grec. Or, le celtique et l’italique ont largement développé l’expression du temps par les thèmes verbaux, et le temps est devenu, dans la conjugaison celtique ou italique, un élément dominant. Rien de plus spécifique. Le celtique et l’italique ne sont pas pour cela des langues « mixtes » ; car le temps s’exprime par des procédés nouveaux qui diffèrent du celtique à l’italique, de l’osco-ombrien au latin, et même de l’osque à l’ombrien.

Partout ou presque en indo-européen, les formes casuelles cessent de suffire à indiquer des relations concrètes : pour marquer le lieu où l’on est, le lieu où l’on va, on ajoute des prépositions aux cas, en attendant que les prépositions se substituent tout à fait aux formes casuelles. Or, non seulement le lituanien a maintenu un locatif fortement caractérisé et qui se suffit, mais il a constitué un illatif distinct de l’accusatif. Il est vrai que locatif et illatif comprennent des postpositions ; mais, au point de vue lituanien, les formes de ces cas ont le caractère de formes casuelles pures et simples. Ici encore, la concordance avec le type finnois est frappante. Mais