Page:Meillet - Quelques hypothèses sur des interdictions de vocabulaire dans les langues indo-européennes, 1906.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 13 —

Étant donné que l’étude du nom de l’ours a révélé le rôle des tabous de vocabulaire dans l’histoire des mots indo européens, il est permis de rechercher si certaines autres particularités ne s’expliqueraient pas de la même manière.

Le serpent est l’un des animaux dont le nom est le plus souvent taboué. Or, on constate d’abord que les noms indo-européens du « serpent » n’ont chacun qu’une médiocre extension dialectale et ne se rencontrent que dans un petit nombre de langues géographiquement voisines :

1o skr. áhiḥ, zd. ažiš, arm. , gr. ὄφις (ophis) (ou ἔχις (echis) ?), terme oriental et hellénique ;

2o sl. *ążì (r. , pol. wąż), lit. angìs, lat. anguis, terme de la région centrale, inconnu à l’indo-iranien et au grec ;

3o got. nadrs, irl. nathir, lat. natrix, terme purement occidental.

Et, de plus, le serpent est souvent désigné par des épithètes :

« rampant » skr. sarpáḥ, lat. serpens, gr. ἑρπετόν (herpeton), alb. g’arpεr ; ces mots ne se recouvrent pas les uns les autres et n’ont de commun que la racine ; la racine même est différente dans arm. zeṙun à côté de zeṙal « ramper » et dans v. h. a. slango à côté de slingan « ramper ». Il faut évidemment quelque raison particulière pour qu’on désigne le serpent par le « rampant », là où il existe un mot pour dire « serpent ».

« terrestre » v. sl. ẓmìjĭ et zmĭja (cf. ẓemlja « terre » ;