Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/187

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ses rimes. Pour la première fois de sa vie, mon maître s’est trompé. Nous avons connu la noire pauvreté qui ne sait plus où loge le boulanger, la misère créancière qui ne laisse pas de trêve, et qui, même à l’hôtel du Dragon Bleu, — c’était le nom que l’on donna à notre domicile, — savait trouver des sonnettes pour nous éveiller en sursaut. Une fois, l’un des jeunes hommes qui logeaient là resta trente-six heures sans manger. Oui, un jour, puis une nuit, et tout un autre jour ! Vers la fin de la seconde journée, il était fatigué, trouvant que ce n’était plus drôle. Déjà il n’avait plus faim ; et, marchant dans la rue à la lueur des réverbères, quand il regardait les enseignes pour se distraire, il les voyait doubles. Tout à coup il eut une espèce de folle espérance. Il venait de se rappeler qu’un an auparavant, à neuf heures du soir, en passant place de la Bourse devant le magasin du parfumeur Piver, il avait trouvé sur le trottoir, par hasard, une pièce d’or, de dix francs. Chose absurde ! il eut cette pensée que, s’il retournait ce soir-là, à la même place, il y trouverait peut-être une pièce de monnaie encore. Il traversa la ville et s’arrêta devant la