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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/126

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MÉPHISTOPHÉLA

rent affreusement, et ses yeux plus écarquillés dardaient l’éclair froid d’une plus menaçante horreur.

Alors il se dressa et, après un coup de poing sur le marbre, dont tremblèrent les candélabres de la cheminée, il cria entre des jurons :

— Tu me hais ! tu me hais ! misérable fille, tu me hais !

On eût dit qu’elle le défiait, du même regard terrible ; il faillit se jeter sur elle !

Il se contraignit, il s’écarta, les phalanges aux dents ; il se mit à marcher furieusement du mur au mur, à l’autre bout de la chambre ; s’il était resté près de Sophie, il l’aurait peut-être tuée. En allant, en venant, il sacrait, il bégayait :

— C’est cela. J’y vois clair. Tu ne m’aimes pas. Tu ne peux pas me souffrir. Malade ? ah ! bien oui. Si je n’étais pas là, moi, ton mari, à côté de ce lit où j’ai le droit de te coucher, tu ne grincerais pas des dents, et tu sourirais et tu rirais. J’aurais dû me douter de ce qui arrive d’ailleurs ! Ce n’était pas l’air d’une fiancée éprise, l’air que tu avais ces jours-ci. J’étais bête, parce que je t’aime ; puis on me disait que toutes les demoiselles s’inquiètent de la nuit des noces, de l’inconnu qu’il y a pour elles dans l’amour ; qu’elles ont peur du mariage tout en le désirant.