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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/148

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MÉPHISTOPHÉLA

battement des veines, et sentant, de tous les points de son corps, sa vie lui monter aux lèvres et aux yeux, Sophie contemplait cette jeune nudité ; c’étaient, en elle, des chaleurs partout et des fureurs qui voulaient s’achever en pâmoison. Se comprenait-elle ? s’expliquait-elle enfin de quel amour elle était poussée ? elle ne pensait pas, elle n’aurait pas pu penser. À peine la vague et intermittente idée qu’il avait dû éprouver, lui, le mari, l’homme, quelque chose de ressemblant à l’exquise et toute-puissante ivresse qui la maîtrisait. Elle n’était plus une conscience, elle n’était plus qu’un désir, à cause de cette gorge et de ces flancs. Pas un atome de sa chair qui n’exigeât le contact de toute cette chair. Et à ce sensuel délire aucune excuse. Elle n’admirait pas, artiste, cette beauté de vierge ; elle ne se laissait pas ravir par les innocences d’aurore qui étaient sur Emmeline comme sur de la neige une jonchée de roses ; elle convoitait, voilà tout, cette chose vivante, elle la convoitait avec une folie de bête qui a faim. Le monstre qui, de tout temps, fut en elle, en voulait sortir et se satisfaire. Enfin se précisait, — parce qu’Emmeline en dormant avait écarté ses draps, — l’instinctive passion qui, toujours, dès l’enfance, tortura So-