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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/173

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MÉPHISTOPHÉLA

— Finis, finis donc, tu me fais mal !

Sophie la lâchait tout de suite, la regardait avec un air d’inquiétude.

— Je te fais mal, vraiment ?

— Sans doute ; on peut bien s’embrasser sans s’étouffer.

— Enseigne-moi.

— Tiens, disait Emmeline, comme cela.

Très doucement, le bras au cou de son amie, elle lui mettait sa joue sur l’épaule, lui effleurait d’un souffle, du souffle qu’aurait une rose, le fin duvet d’or blanc que Sophie avait sous le menton ; et Sophie chancelait. Puis elle faisait à son tour comme l’autre avait fait.

— De cette façon, dis ?

— Oui, non, ton haleine est brûlante.

Et Emmeline s’écartait. Alors Sophie hochait la tête tristement, les yeux humides.

— Tu n’aimes pas que je t’embrasse !

— Mais si, mais si ! Seulement, se promène-t-on, ou ne se promène-t-on pas ? Si tu fais la mine, je m’enferme dans ma chambre, et je boude toute la journée.

— Partons, partons vite !

Elles se mettaient en route, bras dessus, bras dessous, sautelantes comme des cabris lâchés, jetant des éclats de rire aux oiseaux, riant plus