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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/174

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MÉPHISTOPHÉLA

follement encore quand, des basses branches secouées du passage incliné de leurs têtes, avait floché sur elles, léger et cliquetant, l’or éparpillé des feuilles d’octobre qui hésitaient, les unes, le long de leurs reins, et, les autres, s’arrêtaient à leur chatouiller le cou. Le plus souvent elles revenaient déjeuner dans la maisonnette où elles trouvaient sur la table les plats refroidis qu’avait apportés le garçon de l’auberge ; d’autres fois, plus hardies, en un désir de voir et de délier le monde, elles sortaient de la solitude insulaire, s’en allaient, dans une barque hélée de la rive, vers quelque guinguette de l’autre côté de l’eau. Mais toujours c’étaient les mêmes repas charmants, avec des faims qui se moquent des viandes trop dures ou des fruits à demi gâtés, avec des soifs qui boivent au même verre un méchant petit vin aigre dont le piquettement émoustille les lèvres et la langue et fait pétiller les prunelles ; et pendant que l’une, devant l’assiette pleine, cherchait ou feignait de chercher sur la nappe quelque ustensile indispensable, disparu, l’autre — on se fait de ces niches — essayait de cacher entre ses genoux la fourchette volée. Car c’étaient deux enfants : Sophie elle-même, en qui s’exaspérait incessamment la démoniaque appétence, Sophie, n’ayant pas dix-