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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/182

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MÉPHISTOPHÉLA

cheveux derrière le cou. Je dis des choses que je ne sais pas ; je cherche ce qui pourrait sentir meilleur que tout, pour le comparer à l’arome que tu as dans les cheveux. Pourtant, il est un autre parfum, plus exquis, et je le connais, pour l’avoir, une seule fois, respiré ! c’est celui qui sort de toi toute, quand tu écartes les draps qui glissent un peu et s’arrêtent… »

Leurs repas du soir étaient silencieux. Sophie, naguère enhardie par la pénombre pleine de lueurs baissées qui ne regardent pas, n’osait plus parler sous la fixité comme attentive des lampes ; Emmeline, vaincue par la fatigue des promenades et troublée des susurrements à l’oreille pendant les retours au crépuscule, détournait les yeux, aurait voulu ignorer que son amie était là, n’en aurait pas voulu être observée. Qu’éprouvait-elle ? une très soumise tendresse, qui pourtant s’effarouche, une tendresse qui sent que c’est mal, qui rêverait d’échapper ; il lui arrivait souvent, les coudes à la table, — sous les prunelles captatrices de Sophie, qu’elle subissait sans les voir, — de prendre sa tête entre ses mains, de balbutier plusieurs fois, sans savoir pourquoi elle disait ce mot : « non, non, non… » Après les dîners, elles ne lisaient pas ; elles n’avaient pas eu l’idée de faire venir un piano dont