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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/187

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MÉPHISTOPHÉLA

cocottes, naturellement. Elles couchaient à l’autre bout de l’île, en face du village, dans une maison blanche, qui avait au-dessus de la porte cette espèce d’enseigne : Maison Charmeloze. Ça suffisait. Tout le monde connaissait Félicie Charmeloze, une ancienne fée de féerie à maillots, qui tenait à Paris une table d’hôte où ne mangeaient guère que des femmes — une spécialité — et qui, sur ses économies, avait acheté la maison blanche ; elle y recevait chaque semaine ses clientes, ses amies, qui venaient se reposer, et se fatiguer. Non, la vie qu’on menait là-dedans ! « Si vous vous ennuyez, toutes seules, vous pouvez aller chez Mme Charmeloze ; on ne vous mettra pas à la porte, pour sûr ! » Et le garçon avait des sournoiseries dans son rire. Sophie l’interrompit, le congédia. Elle se sentait nerveuse et maussade. Pourquoi ? parce qu’elles ne pourraient pas, — tout ce monde dans l’île — aller se promener sous les arbres ? oui, pour cela. Puis, elle songeait que ces femmes, courant et riant dans la prairie, avaient peut-être vu Emmeline, tout à l’heure. Comprenait-elle donc ce qu’il y avait eu de sous-entendu dans le bavardage du garçon ? non, ou très vaguement, avec un éveil cependant d’une très lointaine pensée, d’une très vague crainte,