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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/462

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MÉPHISTOPHÉLA

l’emplissait toute. Regret, de quoi ? Mais celle qu’elle avait laissée, sur l’oreiller, se tournait vers elle, la regardait d’un air d’étonnement et de reproche. Le songe puéril d’une robe blanche à travers les plaines fleuries, n’était pas permis à Sophor. Ni aucun autre rêve. Elle n’avait pas le droit de se soustraire à l’achèvement de ce qu’elle avait exigé, entrepris. Il fallait qu’elle tînt la promesse de ses yeux troublants et violents, de ses chuchotements à voix basse ; qu’elle justifiât sa renommée. On ne jette pas une femme dans un lit, après l’avoir tentée de frôlements dont on sait l’irrésistible puissance, pour la quitter ensuite, nerveuse et tout l’être en alarme, et rougissante de son inutile nudité ; il est indispensable d’accomplir ce que l’on contraignit à désirer, on n’écarte pas sa bouche des baisers qu’on implora. S’en aller, être seule, ce serait si bon ! de la joie ? non, puisque la joie n’est plus : du moins ce ne serait pas la simulation de la joie, qui est le plus désolant des travaux. Hélas ! elle se résignait. Elle devait, elle paierait. Elle ressaisissait la chair lâchée un instant. D’une violence qui s’exaspérait au mensonge, elle la réduisait à des cris d’assassinée ; presque haineuse d’être sans amour. Rarement elle réussissait à être sa propre dupe,