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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/475

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MÉPHISTOPHÉLA

connu, autrefois, le baron Jean. « Un fier soldat, dit-il, qui n’a pas volé la rosette d’officier de la Légion d’honneur. » Mais après quelques années passées, les premières au Sénégal, — où il s’était battu comme un diable, — les autres en Algérie, il avait donné sa démission, prétextant huit ou dix blessures ; on n’avait plus entendu parler de lui. Sophor écoutait, consternée. Alors, le chef de bureau : « Mais, au fait, si vous voulez savoir ce qu’est devenu votre mari, rien de plus facile. Décoré, il a droit à une pension ; à la Légion d’honneur, on ne peut pas ignorer son domicile. » Elle eut une grande joie. Une heure après, elle notait sur son carnet : « Le colonel baron Jean d’Hermelinge, à Gemmilly, par Balleville, Eure-et-Loir. » Il ne s’agissait plus maintenant que de trouver un adroit émissaire… Un émissaire, pourquoi ? elle pouvait bien elle-même aller à Gemmilly, elle-même interroger les gens ; elle éviterait ainsi les angoisses de l’attente oisive, l’anxiété s’use dans l’activité ; et elle serait plus vite informée. L’idée de se rapprocher de son mari ne lui causait-elle pas quelque appréhension ? elle ne songeait qu’à Emmeline. D’ailleurs elle n’aurait pas besoin de s’exposer à une fâcheuse rencontre. Dans un des hôtels de la ville, ou plutôt, à l’auberge de la bourgade, —