Page:Mercœur - Œuvres complètes, I, 1843.djvu/594

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BOABDIL.

Arrêtez !… que veut dire ?… Eh quoi ! prétendez-vous
Absoudre un accusé sans connaître son crime ?

IBRAHIM.

Tu te méprends, ô roi, sur le soin qui m’anime,
Je n’absous pas d’un crime, avant d’en rien savoir :
Mais juge, je n’en vois que ce qu’on m’en fait voir ;
Et quand j’ai condamné sur quelque faux indice,
Celui qui le donna répond de l’injustice.

BOABDIL.

Osez-vous me traiter de faux accusateur ?
Et votre conseil ?

IBRAHIM.

                                Est d’interroger ton cœur.
Demande-lui, crois-moi, quel est, dans cette cause,
L’intérêt qu’elle sauve, et celui qu’elle expose !
Et si ton cœur te dit que tout est juste, eh bien !
Aux yeux de Dieu du moins tu ne réponds de rien.
Mais…

BOABDIL, furieux.

              Ah ! c’en est assez ! je devine, je pense,
Quel est dans votre esprit le doute qui m’offense.
Vieillard, y songez-vous ? Que tout soit juste ou non,
Est-ce à vous, devant moi, d’émettre un tel soupçon ?

IBRAHIM.

Oui, c’est à moi, mon fils, d’éclairer ta jeunesse.
D’un troupeau de flatteurs environné sans cesse,
Par eux, la vérité ne t’approche jamais.
Tout est bien, tout est beau, quand c’est toi qui le fais :
L’esclave ne peut pas contredire le maître ;
Dans mon zèle hardi, je l’ose seul peut-être.