Page:Mercœur - Œuvres complètes, II, 1843.djvu/298

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une victoire ne se demande pas si le moindre de ses soldats, mis à sa place, n’eût pas fait autant que lui. L’homme de bien qui s’applaudit d’une belle action ne s’inquiète pas si le mendiant qui poursuit son oreille du cri de sa misère n’aurait pas, à l’aide des mêmes circonstances qui l’ont mis à même d’employer utilement sa vertu, fait une action plus grande et plus généreuse que celle dont son âme s’applaudit. Le savant, orgueilleux d’une découverte qu’il doit à sa science et aux combinaisons de son esprit ; le poète, fier d’un ouvrage immortel créé par sa brillante imagination, ne se disent pas, à la vue d’un ignorant, d’un rustre, d’un paysan qui conduit sa charrue : Peut-être cet homme, placé au dernier barreau de l’échelle de la civilisation, en aurait-il atteint le plus haut degré si l’art eût servi de levier pour soulever la nature, et, parvenu là, aurait-il doté la science de la découverte la plus utile, la plus étonnante ; aurait-il charmé les loisirs de la pensée des autres