Page:Mercœur - Œuvres complètes, III, 1843.djvu/46

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Mais quand on sait la vie, lorsque, pour la connaître, on a pris leçon du temps ou du malheur ; lorsque l’expérience a déchiré le voile éblouissant ou sombre que l’apparence jette sur la réalité… eh bien ! c’est souvent au bal qu’on se sent le front et le cœur traversés par les pensées les plus amères, par la plus douloureuse prescience de l’avenir !

En contemplant cette foule animée, cette folâtre jeunesse, on se demande si ces beaux yeux étincelant de regards de joie n’étaient pas, il n’y a qu’un instant, baignés de pleurs, de tristesse ; si ce sourire apparent de bonheur est à l’âme comme il est sur les lèvres. Et même, en croyant à la réalité du plaisir, si l’œil se porte sur la pendule muette, à laquelle une main prévoyante a vainement imposé silence, on sent qu’il est là, qu’on a debout devant soi, un hôte invisible et présent partout : le Temps ! — inévitable convive de toutes les fêtes, et qui pour l’emporter vient chercher sa part de bonheur, comme sa portion de peine ! Le Temps ! qui de sa clef