Page:Mercœur - Œuvres complètes, III, 1843.djvu/48

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la fragilité de la vie s’offre seule à l’imagination. Lorsqu’elle s’y présente, c’est ordinairement accompagnée de celle plus sombre encore de l’instabilité de la fortune. Et celui dont cette dernière image vient frapper les regards intérieurs, se demande encore à part soi si au bout de quelques années, de quelques mois seulement, ces femmes qui passent maintenant devant lui, éclatantes d’une double beauté, celle de la nature et celle de l’art, chargées d’or et de pierreries ; ces élégans jeunes hommes, dont l’importante fatuité annonce la suprématie du rang ou celle de la richesse ; si en un mot, tous ces êtres portant la livrée du bonheur, lui apparaissant plus tard sous celle de la misère, ne se montreront point à lui à peine recouverts de quelques haillons, le visage, le corps, les membres décharnés, les joues, les mains, les lèvres bleuies, violacées, ou vertes de pâleur ; s’il ne les entendra pas crier d’une voix déchirante : Oh ! par pitié ! du pain, du feu ! donnez ! j’ai faim, j’ai froid ! voyez !