habile, on peut calculer froidement toutes les chances possibles du jeu où l’on risque une passion, il est bien rare, si l’on en inspire une entière, qu’on la laisse telle à l’objet qui l’éprouve ; il est difficile de souffrir long-temps dans un autre, sans jalousie ou sans regret à la sienne, cette richesse de sensations qu’on a perdue. Devenu pauvre, il faut qu’on appauvrisse, qu’on fasse de l’âme sur laquelle on a droit, ce qu’on a fait de la sienne, et le succès est prompt et facile. Il y a quelque chose de satanique dans cette influence de désenchantement, qu’un cœur flétri et vieux d’expérience exerce sur un cœur jeune et frais d’illusions : — c’est l’ange déchu qui regrette le ciel !
Mais Arthur et Louise s’aimaient de passion complète.
M. Dérigny ne pouvait calculer ni les rapports de l’âge ni ceux du caractère et du cœur ; mais il avait calculé ceux du rang et de la fortune ; et, en faisant venir chez lui sa jeune pupille, il avait réfléchi d’avance que,