Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/220

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cord sur ce chapitre. Avec votre amour extrême pour les arts, sans doute, vous l’avez vu & connu ? — Messieurs, jamais je ne l’ai vu. — Comment, vous étiez contemporain de ce grand homme, & vous avez négligé de le voir ? Vous étiez donc aveugle alors ? — Non, j’avois une assez bonne vue. — Vous étiez donc en prison ? — Pas tout-à-fait, j’étois un bon Parisien qui restois toute la matinée chez moi, & qui traversois ensuite le Pont-neuf pour aller à l’opéra sérieux ou comique, à la comédie françoise ou italienne, au concert ou à quelques discrettes assemblées ; qui entendois parler de tout ce qui se faisoit dans tous les coins de la terre, sans franchir dix fois dans l’année les barrières de bois de sapin, augustes & majestueuses entrées de la capitale. — Eh bien, vous pouviez donc y voir tout à votre aise le chantre de la bataille de Fontenoy, l’auteur de l’oraison funèbre des officiers, du siécle de Louis XV, du panégirique de Louis XV, de l’histoire du parlement de Paris. — L’auteur, messieurs, n’étoit point dans la capitale — où étoit-il donc ? — il étoit absent — absent — oui, mais comme qui diroit exilé — exilé, lui ! exilé de la capitale dont il soutenoit le théâtre si utile à la police & même à la politique de votre tems, lui qui avoit mis sur la scène, la morale raisonnée & touchante, lui qui a peint l’héroïsme sous ses véritables traits, lui enfin qui de son vivant étoit considéré comme le plus grand poëte des Fran-