Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/228

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loux de ce qu’ils attachoient les regards de la nation, & feignoient de les mépriser[1]. Ces écrivains avoient encore à combattre le goût dédaigneux du public, qui d’autant plus avare de louanges qu’il étoit riche de leurs travaux, abandonnoit quelquefois des chef-d’œuvres pour aller s’extasier à quelques plates boufonneries. Enfin ils avoient besoin du plus grand courage pour se soutenir

  1. Ce n’est point aux plus puissans monarques, ni aux princes les plus riches, ni aux gouverneurs particuliers d’une nation, que la plupart des États doivent leur splendeur, leur force & leur gloire. Ce sont de simples particuliers qui ont fait des progrès étonnant dans les arts, dans les sciences, dans l’art même de gouverner. Qui a mesuré la terre ? qui a découvert le système du ciel ? qui a mis en jeu ces curieuses manufactures qui habillent les nations ? qui a écrit l’histoire naturelle ? qui a scruté les profondeurs de la chymie, de l’anatomie, de la botanique ? Encore un coup ce sont de simples particuliers. Ils doivent aux yeux du sage éclipser ces prétendus grands, nains orgueilleux, qui ne se nourrissent que de leur propre vanité. Ce ne sont pas en effet ces rois, ces ministres, ces gens constitués en autorité, qui sont les véritables maîtres du monde ; ce sont ces hommes supérieurs, dont la voix puissante a dit à leur siècle : Bannis tel préjugé imbécile, pense d’une manière plus élevée, avilis ce que tu as follement respecté, & respecte ce que tu avilissois par ignorance ; profite de tes sottises passées pour mieux connoître les droits de l’homme ; adopte toutes mes idées : ta route est tracée, marche, je te réponds du succès.