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Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/257

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Par quel courage étonnant a-t-on exécuté de si grandes choses, demandai-je ?

C’est l’ouvrage de plusieurs rois, me répondit-on : tous jaloux d’honorer le titre d’être intelligent, la curiosité de déchirer les voiles qui couvrent le sein de la nature, cette passion sublime & généreuse les a enflammés d’un feu toujours entretenu avec le même soin. Au lieu de compter des batailles gagnées, des villes prises d’assaut, des conquêtes injustes & sanguinaires, on dit de nos rois : il a fait telle découverte dans l’océan des choses, il a accompli tel projet favorable à l’humanité. On ne dépense plus cent millions pour faire égorger des hommes pendant une campagne : on les employe à augmenter les véritables richesses, à faire servir le génie & l’industrie, à doubler leurs forces, à completter leur bonheur.

    est mort avant d’avoir épuisé la matiere. Cette immensité d’objets, animaux, arbres, plantes, doit effrayer l’intelligence d’un seul homme. Mais doit-il se décourager ? Non : c’est ici que l’audace est vertu, l’opiniâtreté sagesse, la présomption chose utile. Il faut tant épier la nature, qu’à la fin elle laisse échapper son secret : la deviner ne paroît pas impossible à l’esprit humain, pourvu que la chaîne des observations ne soit pas interrompue, & que chaque physicien se montre plus jaloux de la perfection de la science que de sa propre gloire ; sacrifice rare, mais nécessaire, & qui fera distinguer le véritable ami des hommes.