Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/277

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tite tyrannie qui proscrivoit tout ce qui passoit les limites d’une province. On donnoit quatre sujets par année, afin que chaque artiste eût le tems de conduire son tableau à la perfection. Le plus parfait avoit bientôt la voix du peuple. On faisoit attention à ce cri général, qui ordinairement est la voix de l’équité même. Les autres n’en recevoient pas moins le degré de louanges qui leur étoit dû. On n’avoit point l’injustice de dégoûter les élèves. Les maîtres en place ne connoissoient point cette indigne & basse jalousie, qui exila le Goussin loin de sa patrie & fit périr le Sueur au printems de ses jours. Ils s’étoient corrigés de cet entêtement dangereux & funeste, qui, de mon tems, ne permettoit pas à leurs disciples de suivre une autre manière que la leur. Ils ne faisoient point de froids copistes de ceux qui auroient pu s’élever fort haut, livrés à eux-mêmes & dirigés seulement par quelques conseils. L’élève enfin n’étoit plus courbé sous un sceptre qui le rendoit timide : il ne se traînoit point en tremblant sous les pas d’un chef capricieux, qu’il étoit encore obligé de flatter : il le devançoit, s’il avoit du génie, & son guide étoit le premier à s’enorgueillir de la perfection de l’art.

Il y avoit plusieurs académies de dessin, de peinture, de sculpture, de géométrie pratique. Autant ces arts étoient dangereux dans mon siecle, parce qu’ils favorisoient le luxe,