Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/285

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vaisseau de s’élancer au nouveau monde & de lui en rapporter les trésors. On lisoit dans ses regards hardis que la liberté civile égaloit chez lui la liberté politique. Les flots opposés, grondant sous les coups de la tempête, étoient une harmonie douce à son oreille. Son bras étoit toujours prêt à saisir le glaive de la guerre civile : il regardoit en souriant un échafaut d’où tomboit une tête & une couronne.

L’Allemand, sous un ciel étincelant d’éclairs, étoit sourd aux cris des élémens. On ne savoit s’il bravoit l’orage ou s’il y étoit insensible. Des aigles se déchiroient avec furie à ses côtés : ce n’étoit pour lui qu’un spectacle : renfermé en lui-même, il portoit sur ses propres destins un œil indifférent ou philosophique.

Le François, plein de graces nobles & élevées, présentoit des traits finis. Sa figure n’étoit pas originale, mais sa manière étoit grande. L’imagination & l’esprit se peignoient dans ses regards ; il sourioit avec une finesse qui approchoit de la ruse. Il régnoit dans

    change en eau corrosive les gouttes de pluie que ses feuilles distillent, & qui au défaut des tourmens procure au voyageur fatigué le sommeil & la mort. Cependant son tronc est noueux : les principes de sa sève sont couvert d’un bois dur : ses racines d’airain s’étendent, & la hache de la liberté s’émousse & ne peut plus y mordre.