CHAPITRE V.
Les voitures.
Je remarquai que tous les allans prenoient
la droite, et que les venans prenoient la
gauche[1]. Ce moyen si simple de n’être
point écrasé venoit d’être imaginé tout-à-l’heure,
tant il est vrai que ce n’est qu’avec
le tems que se font les découvertes utiles.
On évitoit par-là les rencontres fâcheuses.
Toutes les issues étoient sûres & faciles : &
dans les cérémonies publiques où se trouvoit
l’affluence de la multitude, elle jouissoit d’un
spectacle qu’elle aime naturellement, & qu’il
auroit été injuste de lui refuser. Chacun s’en
retournoit paisiblement chez soi, sans être ou
froissé ou mort. Je ne voyois plus le coup
d’œil risible & révoltant de mille carosses
mutuellement accrochés demeurer immobiles
pendant trois heures, tandis que l’homme
doré, l’homme imbécille qui se faisoit traîner,
oubliant qu’il avoit des jambes, crioit
- ↑ L’étranger ne conçoit guères ce qui occasionne en France ce mouvement perpétuel des hommes, qui du matin au soir sont hors de leurs maisons, souvent sans affaires, & dans une agitation incompréhensible.