Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/88

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l’affaire est obscure, est l’espace d’une année. Mais aussi les juges ne reçoivent plus d’épices : ils ont rougi de ce droit honteux, modique en sa naissance[1], & qu’ils ont fait monter à des sommes exorbitantes : ils ont reconnu qu’ils donnoient eux-mêmes l’exemple de la rapacité, & que s’il est un cas où l’intérêt ne doit pas prévaloir, c’est le moment honorable & terrible où l’homme prononce au nom sacré de la justice. — Je vois que vous avez prodigieusement changé nos loix. — Vos loix ! encore un coup, pouviez-vous donner ce nom à ce ramas indigeste de coutumes opposées, à ces vieux lambeaux décousus, qui ne présentoient que des idées sans liaison & des imitations grotesques. Pouviez-vous adopter ce monument barbare, qui n’avoit ni plan, ni ordonnance, ni objet ; qui n’offroit qu’une compilation dégoûtante, où la patience du génie s’engloutissoit dans un abîme bourbeux ? Il est venu des hommes assez intelligens, assez amis de leurs semblables, assez courageux pour méditer une refonte entière, & d’une masse bizarre en faire une statue exacte & bien proportionnée.

  1. Il consistoit alors en quelques boëtes de dragées ou de confitures seches : Aujourd’hui il faut remplir ces mêmes boëtes en espèces d’or. Tels sont les goûts friands de ces augustes sénateurs, pères de la patrie.