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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/105

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L’enfant ne dit rien ! le sycomore roulait toujours.

Saint-Ybars s’agenouilla sur le bord du canot, et joignant les mains :

« Démon ! Démon ! dit-il, je te le demande à genoux »

L’enfant ne s’obstina plus, son cœur était touché. Il s’accroupit, tendit les jarrets, s’élança et glissa à la surface de l’eau. Il était robuste et nageait bien.

Au moment où Démon se jetait à l’eau, la voix de Sémiramis parvint jusqu’à Saint-Ybars et Salvador. Elle excitait toujours les rameurs ; mais ils n’avaient plus besoin de l’être ; le moment de la peur était passé. L’un d’eux entonna un chant de travailleurs ; ses camarades répondirent en chœur. Ces hommes, tout à l’heure si pusillanimes, étaient maintenant fiers d’être aux prises avec le danger ; dans leur mépris exalté de la mort, ils déployèrent une vigueur prodigieuse.

Démon n’était plus séparé que par trois vagues du canot de son père, lorsqu’il se sentit arrêté par une force qui le poussait en arrière et le tirait en bas ; ses mouvements se ralentirent, il commença à tourner. Saint-Ybars poussa un cri.

« Il est dans un remous ! » dit-il.

Oter sa redingote et ses bottes, et se jeter à l’eau, ce fut pour le père l’affaire de deux secondes. Le tourbillon dans lequel était Démon le ramenait vers le courant du milieu. Saint-Ybars, soulevé par une vague, vit son fils tourner comme une toupie et disparaître. Il plongea. Salvador cessa de ramer ; il ne se servait plus de ses avirons que pour se maintenir dans une bonne position. Il eut un moment d’horrible anxiété ; il regardait partout, et ne voyait que l’eau montant et retombant tumultueusement. Tout à coup il s’entendit appeler ; il se retourna et vit Saint-Ybars tenant Démon d’une main, nageant de l’autre.

Le père, pour ramener son fils du gouffre, avait épuisé ses forces.

« Salvador, cria-t-il, sauve l’enfant ; fais mes adieux à la famille.