Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/11

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hommes et femmes, tous sujets de choix, excellents travailleurs, et parmi eux quelques ouvriers spéciaux.

« Salut, Monsieur Stoval, » répondit laconiquement Saint-Ybars, sans regarder le marchand, et même sans prendre la peine de dissimuler le mépris qu’il avait pour lui. On peut trouver étrange et contradictoire que lui, qui venait là pour acheter des esclaves, méprisât celui qui faisait métier d’en vendre ; mais ce sentiment, logique ou non, n’en existait pas moins chez lui.

« Oui, Monsieur, reprit Stoval, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, tous sujets de choix, excellents travailleurs, et parmi eux…

« C’est bien, je le sais, dit Saint-Ybars en interrompant la ritournelle du marchand ; ils appartiennent à la succession de la veuve Hawkins. Les héritiers sont à Boston ; ils ont envoyé l’ordre de les vendre tous, grands et petits. Et ce sont ces mêmes gens qui prêchent l’abolitionnisme, au nom de la philanthropie. Hypocrites ! Mais, comme ils disent, ces saints du jour, business is business : j’ai besoin d’un forgeron, pour remplacer un des miens que j’ai perdu. Vous en avez un ; il se nomme Fergus ; où est-il ?

« Fergus, avancez, » dit Stoval en s’adressant à un jeune nègre.

Fergus sortit des rangs. C’est un gaillard de vingt-cinq ans, bâti en Hercule, à la mine ouverte et joviale.

« C’est bien toi qui es forgeron ? demanda Saint-Ybars.

« Oui, maite, cé moin, dit Fergus ; moin cé nég créol ; mo pa nég pacotille, moin ; pa gagnin ain forgeron dan tou la ville, ki capab forgé ain fer à choil pli vite pacé moin. O capab racomodé ain lessieu é tou ça qui cacé dan ain voiture. Croché, vérou, charnière, gon, piton, tou ça cé kichoge ki connin moin. Si vou achté moin, maite, vou capab di vou achté ain vaillan nég.

« Si je t’achète, remarqua Saint-Ybars sur le ton de la bonne humeur, je suis sûr d’une chose, c’est que j’aurai fait l’acquisition d’un fameux vantard.

« Non, maite, reprit Fergus, mo pa vanteur, moin ; ça