avec force, ses joues reprirent leurs couleurs, ses yeux brillèrent d’une flamme extraordinaire. Elle serra la main de Pélasge, et d’un pas résolu descendit dans la cour. Saint-Ybars, en la voyant venir, se troubla. L’émotion contenue de Nogolka la rendait plus belle que jamais. Elle s’approcha, et, sans rien perdre de sa dignité, s’agenouilla devant lui.
« Faites grâce à Mamrie, Monsieur, dit-elle ; vous grandirez dans l’estime et l’affection de tout le monde. On dira : ― C’est un noble cœur ; il a eu pitié d’une malheureuse esclave égarée par son amour pour l’enfant qu’elle a nourri de son lait. Monsieur, je vous en prie, accordez-moi le pardon de Mamrie. »
Le sentiment de la justice se réveilla chez Saint-Ybars. Il avait bien besoin de pardon, lui aussi. Il crut lire dans les yeux de Nogolka qu’elle lui pardonnait, s’il pardonnait à Mamrie.
Le silence de la cour était effrayant. Mamrie était debout sur l’avant-dernier degré de l’échelle ; d’une main elle cachait sa figure, de l’autre elle s’appuyait à l’un des montants. Jim déroulait sa corde.
Mamrie se retourna en entendant la voix de Nogolka ; elle descendit de l’échelle, et courut vers Saint-Ybars au moment où il relevait respectueusement Nogolka.
Jim s’avança pour reprendre Mamrie. Au regard que lui lança Saint-Ybars, il s’arrêta.
« Que fais-tu là ? » demanda Saint-Ybars.
Le malheureux nègre balbutia quelques excuses. Saint-Ybars lui coupa la parole, en lui disant d’une voix tonnante :
« Va-t-en ! »
Jim s’en alla bien vite. Saint-Ybars dit à Nogolka :
« Mademoiselle, emmenez Mamrie, je vous accorde sa grâce.
« Merci, Monsieur, merci mille fois, » répondit Nogolka.
Mamrie, à son tour, voulut remercier Saint-Ybars ; mais à peine avait-elle prononcé quelques paroles, qu’elle se mit à sangloter. Nogolka l’emmena.