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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/152

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de revoir sa famille, qu’il lui enverrait des fonds pour faire le voyage. Blanchette sautait de joie, en pensant qu’au commencement de l’automne, elle verrait son parrain. Elle en avait tant entendu parler ! il lui avait envoyé tant de jolis petits cadeaux ! il devait être si bon ! Son portrait, échappé au naufrage, était dans la chambre de Chant-d’Oisel. Blanchette le contemplait souvent ; elle le trouvait bien beau. « Seulement, disait-elle en soupirant, pourquoi donc a-t-il l’air si triste ? »

Mamrie était revenue. Pélasge avait loué une cuisinière et une blanchisseuse, anciennes esclaves de l’habitation. Une jeune négresse, moyennant sa nourriture et une petite rétribution quotidienne, faisait le ménage.

Sous le rapport des affaires tout allait donc bien. Mais Pélasge avait un grave souci : le chagrin, les privations, des travaux trop forts pour une jeune fille habituée aux douceurs du luxe, avaient compromis la santé de Chant-d’Oisel. Depuis plusieurs mois, elle toussait et maigrissait ; malgré ses efforts pour paraître gaie, Pélasge la trouvait inquiète et triste. Il avait été convenu entre eux, qu’ils attendraient Démon pour se marier. À mesure que le moment désiré approchait, Chant-d’Oisel déclinait davantage. Un matin, à son lever, après une forte quinte de toux, elle expectora une abondante quantité de sang.

Pélasge, alarmé et le cœur brisé de chagrin, appela trois médecins en consultation. Ils lui donnèrent quelque espoir ; mais il ne fut pas la dupe de leurs bonnes paroles. Quand, après les avoir accompagnés jusqu’à leurs voitures, il revint au chevet de Chant-d’Oisel, il croyait avoir repris sa physionomie ordinaire ; mais elle, de son regard profond et doux, elle lut sur ses traits ce qu’il essayait de cacher. Elle lui fit signe de s’asseoir sur le bord de son lit. Elle passa ses bras autour de son cou, et lui dit : « Cher Pélasge, je suis perdue ; je savais depuis longtemps à quoi m’en tenir ; je me taisais, à cause de vous tous que je ne voulais pas affliger d’avance. La mort est une vilaine, une envieuse ; la perspective de notre mariage a allumé sa jalousie, elle ne veut pas que nous soyons heureux. Mais elle n’aura