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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/153

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pas toute la satisfaction qu’elle espérait ; avant de quitter ce monde, je désire que vous me donniez votre nom ; j’aimerais qu’après mon dernier jour on dit, en parlant de moi ― Madame Pélasge. ― Vous ne me refuserez pas cela, n’est-ce pas, cher ami ? c’est une pensée que je caresse depuis que je me suis sentie atteinte mortellement ; elle a été la consolation de mes nuits sans sommeil. Mon bon Pélasge, vous n’aurez pas de répugnance, n’est-ce pas, à mettre votre main dans la mienne, et à déclarer, en présence du juge appelé pour nous unir, que vous me donnez votre nom ? Après avoir été votre fiancée pendant tant d’années, je serai si heureuse de pouvoir m’en aller avec mon anneau nuptial ! Vous me promettez ?

Pélasge la caressa, la consola et promit.

À partir de ce moment, l’état de Chant-d’Oisel empira sans le moindre répit. Bientôt elle ne fut plus que l’ombre d’elle-même, ombre encore belle avec ses grands yeux noirs veloutés et sa riche chevelure. Elle était triste, mais résignée ; jamais un mouvement d’impatience, jamais la moindre plainte. Toutes les fois que Pélasge entrait dans sa chambre, elle avait un sourire pour lui ; son regard, profond et réfléchi, s’emplissait de tendresse en allant à la rencontre du sien ; sa voix, qui n’était plus qu’un souffle, murmurait affectueusement son nom. Une nuit, le temps étant à l’orage, elle se sentit plus mal que jamais ; elle respirait avec une peine croissante. Vers six heures du matin, elle eut un peu de soulagement. Le temps s’était remis au beau. Elle fit ouvrir toute grande la fenêtre qui était près de son lit. On était alors au mois de mars ; les orangers en fleur embaumaient l’air. Les oiseaux chantaient, les libellules se baignaient dans les premiers rayons du soleil. Chant-d’Oisel promena languissamment ses yeux sur la campagne ruisselante de lumière et le ciel tacheté de petites nuées roses. Elle sourit, et insensiblement s’absorba dans une longue rêverie. Elle revint à elle en soupirant, et dit à Mamrie :

« Mamrie, vou connin, cé pou jordi.

« Ça to di ? demanda Mamrie.