Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/16

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que j’aie été mère ; mais la nature est puissante, Monsieur Saint-Ybars, et c’est pour le prouver qu’elle a fait ce miracle. Achetez-moi aussi, cher maître ; vous ferez une bonne action, Dieu vous bénira. »

Tout en parlant, la vieille infirme s’était approchée de la porte d’entrée, comme pour barrer le passage à Saint-Ybars.

« Toi, ici, misérable avorton ! s’écria Stoval ; qui t’a donné la permission de venir troubler mes affaires ? veux-tu bien t’en aller, affreux crabe dont on ne tirerait pas un picaillon. »

Stoval écumait de fureur ; il donna à la malheureuse vieille femme un coup de pied qui fut plus violent qu’il ne le voulait peut-être. Elle tomba à la renverse sur l’escalier de la rue, et alla rouler sur le trottoir.

La voix furibonde de Stoval avait attiré quelques femmes du voisinage ; elles s’empressèrent de relever la vieille.

Saint-Ybars avait pâli d’indignation. Sa fille connaissant son caractère emporté, l’enveloppa de ses bras qu’elle serra de toutes ses forces, pour l’empêcher de saisir Stoval au collet et de le secouer comme un misérable.

« Mon enfant, sois tranquille, dit Saint-Ybars ; ton père ne salira pas sa main en touchant cette vile canaille. »

Le groupe des femmes accourues au secours de l’infirme avait grossi. Leur nombre leur donna du courage, et, tout esclaves qu’elles étaient, elles firent honte au marchand de sa lâche brutalité.

La vieille, en tombant, avait perdu son tignon ; ses cheveux blancs, apparaissant tout à coup, augmentèrent la pitié et le respect que son grand âge inspirait à toutes les personnes présentes.

« M. Stoval, dit-elle, je vous savais méchant homme ; mais je ne vous savais pas capable de frapper une infirme sans défense, et de ricaner en la voyant tomber. Je connais votre histoire : à dix-huit ans vous abandonniez vos parents ; vous ne leur avez jamais donné de vos nouvelles ; vous ignorez s’ils sont vivants, ou morts de misère. Après