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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/165

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Silence ! repos ! » Ils résonnaient comme un glas dans le silence de la maison. Mme Saint-Ybars ressemblait à une morte qui n’a pas trouvé la paix dans le tombeau, et qui la demande. Aussi, quand Blanchette la voyait plongée dans ses longs silences, elle traversait les appartements sur la pointe du pied ; elle posait ou prenait les objets le plus doucement possible, elle osait à peine respirer.

Pélasge ne paraissait guère qu’aux repas. Cependant, prenant pitié de Blanchette, il la faisait sortir aussi souvent que possible. Dehors, elle n’était plus la même ; sa gaîté naturelle l’emportant, elle courait, elle pirouettait, elle sautait, enivrée de lumière et de liberté. Dans la compagnie de cette fée turbulente et étincelante, des éclairs de joie traversaient la mélancolie de Pélasge. Blanchette était prise de rires incoercibles ; elle riait de ses propres folies, agaçant Pélasge, le mettant au défi de l’atteindre à la course ; puis, elle lui demandait pardon de son impertinence, se pendait à son cou et l’appelait son cher petit papa.

Depuis quelque temps, à la suite de violents maux de tête, la vue de Mamrie baissait d’une manière inquiétante. Rien ne fut négligé, pour arrêter la paralysie qui envahissait ses rétines. Le mal poursuivit sa marche d’un mouvement inexorable : vers la fin de septembre, Mamrie était aveugle. Elle accepta son malheur avec résignation. Une fois seulement, il lui arriva de dire que le bon Dieu était bien dur pour elle ; qu’il aurait dû au moins lui laisser le temps de revoir Démon. Elle continua de travailler ; elle nettoyait les couverts, moulait le café, pilait le maïs, râpait les pommes de terre, enfin rendait une foule de petits services qui l’occupaient si bien qu’elle ne perdait pas une heure dans toute sa journée. Quelquefois, au coucher du soleil, quand elle voulait respirer le grand air, elle invoquait le secours de Blanchette. Blanchette était bonne ; le plus souvent elle devançait Mamrie, en lui proposant de faire une promenade. Mamrie appuyait une main sur l’épaule de Blanchette, et Blanchette