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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/208

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CHAPITRE XLV

Les préjugés sont les rois du vulgaire



Il tardait à Démon que sa tante repassât le fleuve ; mais il s’abstint de le lui faire sentir. Elle avait été bonne pour lui au temps de son enfance ; il l’aimait et la respectait. Ce n’était pas une méchante personne, bien certainement ; mais il y avait derrière elle tout un long passé dont elle ressentait l’influence ; elle gardait les habitudes d’esprit et les croyances du milieu social dans lequel elle avait vécu et vieilli. Elle croyait de bonne foi que l’honneur de la famille lui faisait un devoir, devoir sacré, de mettre tout en œuvre pour empêcher Démon de commettre un acte dont la honte rejaillirait sur elle et ses enfants. Elle ne se montra donc pas disposée à rentrer chez elle. Démon en eut beaucoup d’humeur. Pour cacher son mécontentement, il restait peu à la maison. Sa tante profitait de ses longues absences, pour agir sur l’esprit de Blanchette. Elle avait changé de tactique. Elle ne fit plus le moindre reproche à Blanchette ; elle la prit par la douceur ; elle combattit le projet de mariage, au nom même de l’affection de Blanchette pour Démon. « S’il l’épousait, il serait sans cesse exposé à avoir des affaires d’honneur ; il y aurait des gens qui ne le salueraient plus, il se croirait insulté, il les provoquerait en duel, et, à force de se battre, il finirait nécessairement par être tué. Sans doute le sacrifice était grand pour Blanchette ; mais si elle n’avait pas le