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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/222

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Le lendemain, au lever du soleil, la fugitive fut ramenée par des nègres qui coupaient du bois dans la cyprière. Elle était dans un état déplorable, elle avait entièrement perdu la raison. Elle était nue ; son corps, ses mains, sa figure, profondément déchirés, étaient couverts de sang et de boue. Elle poussait des hurlements de fureur et de douleur, et se débattait comme une bête féroce blessée. Sa mère et ses sœurs eurent toutes les peines du monde à la nettoyer, et à la mettre dans un lit.

Le matin, de bonne heure, des amis de M. de Lauzun étaient venus réclamer son corps.

Pélasge avait donné l’ordre de creuser une grande fosse sous le sachem, et il avait fait savoir aux amis de la famille Saint-Ybars que l’enterrement de Démon, de Blanchette et de Mamrie aurait lieu à huit heures du matin. Les cercueils furent placés dans une voiture découverte à quatre roues. Une vingtaine de personnes les accompagnaient ; Pélasge marchait à la tête du cortège.

Trois nègres, assis au bord de la fosse, attendaient en fumant et en causant paisiblement. Lorsque le cortège arriva, ils se levèrent et se découvrirent respectueusement. Pélasge fit placer d’abord la bière de Mamrie, ensuite celle de Démon, et à la gauche de Démon celle de Blanchette. Les pelletées de terre s’accumulèrent, avec un bruit sourd, sur les trois cercueils ; quelques personnes échangeaient des réflexions à voix basse. L’ouvrage des fossoyeurs terminé, la foule se retira ; le silence se rétablit sous le vieux sachem ; les oiseaux habitués à vivre sous ses rameaux, revinrent de la frayeur que leur avait causée la vue de tout ce monde, et ils reprirent avec confiance leur chant matinal.

En rentrant, Pélasge apprit que Mlle Georgine venait de succomber, après une longue convulsion. On lui annonça que le corps serait transporté de l’autre côté du fleuve, la mère et les sœurs de la jeune fille désirant qu’il fût enterré dans le cimetière de leur paroisse.

Au coucher du soleil, un grand esquif manœuvré par quatre nègres traversait le fleuve ; il emportait la jeune