Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

corinthien. Le vieux Saint-Ybars qui l’avait fait bâtir, ne lui avait pas donné le toit aigu généralement adopté. S’inspirant de l’architecture si bien raisonnée de la vieille Espagne, il l’avait couverte d’une terrasse encadrée d’une balustrade ornée de pots à fleurs. Deux escaliers conduisaient à cette terrasse, où souvent la famille se réunissait, après le coucher du soleil, pour contempler la campagne et respirer l’air frais du soir. La façade, l’aile droite et l’aile gauche donnaient sur le jardin, où l’on voyait réunis les arbres indigènes les plus beaux et quantité de végétaux exotiques. Derrière la maison, une grande cour plantée de magnolias, conduisait aux cuisines et aux chambres à repasser. Le centre de cette cour était occupé par un puits d’un diamètre de six pieds. Plus loin, était le corps de logis des domestiques affectés exclusivement au service de la maison. Derrière ces logements, un bois d’orangers entretenait une ombre délicieuse ; puis, au-delà s’étendait un immense enclos dans lequel étaient l’hôpital et ses dépendances, les écuries du maître, des échoppes de selliers, de cordonniers, de menuisiers, une salle de bal pour les esclaves, et enfin un jardin potager.

Pélasge, remarquant une centaine de maisonnettes blanches et une maison à deux étages, qui luisaient au soleil, sur la lisière d’un champ de cannes à sucre, et, plus loin encore, un amas de grosses constructions, crut que c’étaient deux villages. Il en parla dans ce sens à Saint-Ybars, qui lui répondit en souriant que c’étaient d’une part les cabanes de ses nègres avec la maison de l’économe, et d’autre part la sucrerie ; il lui expliqua que chaque cabane contenait deux logements, et que la sucrerie formait un département où se trouvaient réunis, autour de l’usine à vapeur fabriquant le sucre, une scierie, une tonnellerie, des forges, des écuries, une échoppe de charpentier, des hangars et des greniers pour le foin et les grains.

La plantation de Saint-Ybars embrassait, dans son ensemble, un terrain d’un mille et demi de face sur trois de profondeur. Il avait quatre cents esclaves, hommes et femmes, pour les travaux des champs, dix-huit ouvriers