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CHAPITRE VI

Mamrie


Mamrie était la femme de chambre de Mme Saint-Ybars ; elle remplissait aussi les fonctions de surintendante. Aux heures des repas, elle se tenait à la cuisine et présidait à l’expédition des mets. C’était un vrai type de négresse créole. Elle était née de parents nés eux-mêmes sur l’habitation Saint-Ybars. Son grand-père et sa grand-mère, importés du pays des Bambaras, vivaient encore ; ils prétendaient avoir été roi et reine en Afrique ; comme preuve de leur dire, ils montraient le tatouage de leur figure.

Mamrie avait la peau extrêmement fine et d’un noir brillant, des cheveux touffus, doux au toucher, de grands yeux mourants et pleins de bonté. Mais on ne la connaissait qu’à demi, tant qu’on ne l’avait pas vue rire, et que l’on n’avait pas entendu le son de sa voix. Elle était d’une gaîté communicative ; son parler avait des modulations qui vous allaient au cœur, tant elles révélaient une nature affectueuse et facile à émouvoir. Elle avait vingt-six ans. À treize ans elle était déjà mère. Son enfant avait quatre mois, lorsque Mme Saint-Ybars mit au monde Démon et Chant-d’Oisel. Huit jours après la naissance des jumeaux, une maladie malheureusement commune dans ce pays, le tétanos, emportait l’enfant de Mamrie. Elle en eut un chagrin si profond que sa constitution en fut ébranlée : on la vit dépérir rapidement, à tel point que l’on commença à craindre pour sa poitrine.

Un enchaînement de circonstances imprévues, vint conjurer le danger dont Mamrie était menacée.

Il y avait une semaine que Mme Saint-Ybars allaitait ses