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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/72

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CHAPITRE XIII

Li mouri



Mais qu’est devenue Titia, la petite-fille de Lagniape ? on ne le voit plus sur l’habitation Saint-Ybars. Rappelons-nous que le jour où Saint-Ybars l’acheta, Stoval, le marchand d’esclaves avait donné à entendre qu’elle était enceinte. En effet, elle l’était. Lorsqu’après deux mois de séjour sur l’habitation, elle sentit, pour la première fois, remuer son enfant, elle alla trouver Lagniape, et lui dit en pleurant qu’elle était la plus malheureuse des femmes de penser qu’elle mettrait au monde un petit être voué à l’esclavage.

« Ma fille, lui répondit la vieille, si tu veux m’écouter et faire comme je te dirai, ton enfant ne sera pas esclave. »

Titia essuya ses yeux et écouta. Les événements, à mesure qu’ils se développeront, révéleront le conseil que Lagniape lui donna.

On était alors au mois de juin. Une sauvagesse appartenant à la tribu campée dans le voisinage du sachem, apportait tous les jours, chez Saint-Ybars, un panier de mûres cueillies dans les bois. Ces baies, arrangées avec du lait et du sucre, étaient un régal pour Chant-d’Oisel et ses sœurs. La taïque qui les vendait, parlait un jargon composé d’indien et de créole. Lagniape était la personne qui la comprenait le mieux : aussi, avaient-elles ensemble de fréquents entretiens. Une après-midi qu’elles étaient seules dans la cour, à l’heure du dîner des maîtres, l’Indienne dit à voix basse :

« Li mouri.