Page:Mercier - Le Nouveau Paris, 1900.djvu/25

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préparé les projets les plus sanguinaires et les plus féroces. La détermination prise le onze juillet nous sauva, la cour n’avait pas su calculer que tous les argentiers et les créanciers du royaume n’avaient confiance qu’au ministre Necker, qui, mis en parallèle avec Calonne le déprédateur jouissait d’une grande estime. Les capitalistes tremblèrent pour leurs coffres, la rue Vivienne paya une partie du régiment des gardes-françaises[1]. La peur qui était bien fondée se propagea, tout s’arma en un instant parce que chacun tremblait ; les troupes de la cour qui devaient tout exterminer, furent lentes à entrer. Le prince Lambesc[2] avait daigné avertir la veille les Parisiens, en donnant aux Tuileries un coup de sabre à un vieillard, qu’on allait leur distribuer des milliers de coups de sabre. Ce bon patriote mérite toute notre reconnaissance. Un boulet de canon coupa à propos la chaîne qui retenait en l’air le pont-levis de la Bastille. C’est ce boulet de canon qui renversa le monarque et la monarchie. Je ris de pitié quand je vois une multitude d’écrivains vouloir assigner les causes de la Révolution, en chercher les auteurs et ignorer qu’en politique c’est un jour qui en enfante un autre, que chaque jour est, ou peut être, une révolution nouvelle, ainsi que, dans un tremblement de terre, chaque commotion a une direction particulière, horizontale, verticale, diagonale, souvent opposée. Un combat était engagé entre la cour et le peuple de Paris, mais de là à ce qui en est résulté, il y a eu une série d’événements qui tous font pour ainsi dire de chacun d’eux une révolution particulière.

Sans doute le parti étranger a joué un très grand rôle parmi nous. Le ministère britannique n’a pas voulu qu’on reprochât aux seuls Anglais d’avoir coupé la tête à leur roi. Après avoir fait signer à ce monarque inepte et fallacieux

  1. La Bourse se trouvait dans cette rue.
  2. Charles-Eugène de Lorraine, duc d’Elbeuf, prince de Lambesc, était parent de Marie-Antoinette, colonel-propriétaire du régiment royal-allemand et grand Écuyer de France.