Page:Mercier - Le Nouveau Paris, 1900.djvu/65

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tinement : on brisa des vases de porcelaine du plus grand prix, pour en enlever les attaches.

Tandis que ces violences se commettaient, les héros en chef faisaient porter avec ostentation par leurs aides, les grands chandeliers d’argent de la chapelle, avec des plats d’argent et une bourse de cent louis, à l’Assemblée, afin de faire disparaître jusqu’au moindre soupçon de spoliation.

Quoi qu’il en soit, cette journée offrit le tableau achevé de la destruction du trône du dernier roi des Français ; et en effet, si l’on peut comparer les petites choses aux grandes, un jeune Savoyard debout au sommet de l’orgue de l’église, soufflait dans un tuyau le Dies irae : on eût dit de l’ange trompette du jugement.

C’est après la tempête que l’on vient contempler ses ravages. Quand la réflexion remplace le premier effroi, combien l’on gémit à l’aspect de la nature bouleversée !

Que l’on se figure donc ici ceux des citoyens paisibles que la curiosité avait portés aux Tuileries, pour s’assurer si le château existait encore : ils erraient lentement, frappés d’une morne stupeur, le long de la terrasse hérissée de débris de bouteilles. Ils ne pleuraient pas ; ils semblaient pétrifiés, anéantis. Ils reculaient d’horreur à chaque pas, à l’odeur et à l’aspect de ces cadavres sanglants, mutilés, égorgés, éventrés, sur les visages desquels vivait encore la colère.

D’autres, plus stoïques, faisaient remarquer aux passants des nuées de mouches avides de sang, que la chaleur avait attirées dans leurs larges blessures, et dans leurs yeux sortis de leurs orbites.

Cependant la populace fatiguée de carnage, succombant sous le poids des dépouilles, disparut avec le soleil, pour aller se livrer au repos. Si, le lendemain, elle retrouva sa raison, elle dut sentir aussi, en punition, la pointe acérée des remords.

En ce jour, l’anarchie fit le premier essai de son effroyable toute-puissance, et préluda aux massacres de septembre. L’Assemblée législative pouvait se couvrir d’une gloire immortelle, et mériter le titre de fondatrice de la liberté