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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome II, 1782.djvu/183

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avoient parlé à l’oreille d’un convive qu’on donnoit pour un grand voyageur, & il n’en fut pas totalement désabusé, même lorsqu’il eut reconnu les premieres tromperies. Il disoit, on m’a bien abusé, mais j’ai vu le brochet s’élancer du plat & parler à l’oreille du voyageur. C’étoit celui qui avoit joué son rôle avec le plus intrépide sang-froid.

Dans les soupers de Paris, l’on raconte fréquemment ces mystifications qui, quoiqu’un peu vieilles, épanouissent la rate ; on les jugeroit incroyables, elles n’en sont cependant pas moins vraies. On ne conçoit pas comment une tête humaine a pu réunir de telles disparates, faire la jolie comédie du Cercle, plusieurs couplets ingénieux, & être en même tems la dupe constante de gens qui avoient moins d’esprit que lui.

Ces mauvais railleurs qui pousserent trop loin la plaisanterie, ont mis une espece de gloire à publier leurs faciles triomphes sur l’imbécillité native du pauvre auteur ; & ne tomboient-ils pas eux-mêmes, en se targuant