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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome II, 1782.djvu/301

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songer & sans le vouloir, a entraîné tout Paris ; & sans la police, on en faisoit subitement un dieu[1]. Depuis, un enfant a vu sous terre, & des académiciens & des gazetiers l’ont cru & annoncé. Depuis, un chanoine d’Étampes a demandé cent mille

  1. En 1772, si je ne me trompe, rue des Ciseaux, trente mille hommes disoient : c’est un prophète, il guérit en touchant. La rue ne désemplissoit pas d’estropiés, d’aveugles, &c. C’étoit une frénésie, mais qui avoit cela de particulier, qu’elle ne sortit pas d’un caractere calme, confiant, tranquille. Il n’y eut point de tumulte, point de cet emportement si commun dans les émotions populaires. Une persuasion intime avoit rendu les esprits modérés. On s’approchoit de la maison, pour ainsi dire, en silence. Le guérisseur avoit un air modeste & simple : il étoit devenu prophete à son grand étonnement & comme par hasard. On le fit sortir de Paris avec sa femme. Le peuple le voyant parti, se mit à le bénir, & se dispersa sans plaintes ni murmures. On ne vit jamais une si grande affluence & plus de tranquillité dans la multitude.