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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/168

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peuple de la terre. J’écris pour les hommes-femmes de Paris.

On a eu jusqu’ici une fausse opinion de ce qui méritoit l’hommage universel des hommes. La nature a besoin d’être corrigée & embellie par l’art. Si on la mutile, c’est, comme on sait, pour la rendre plus gracieuse. L’agrément est le dernier trait que l’on puisse donner aux belles choses. Finit-on un édifice, un tableau, un instrument ? on lui prête des ornemens qui seuls le font valoir. Il en est de même des mœurs, on ne commence à jouir que lorsqu’on commence à raffiner.

Lorsqu’une nation est encore barbare, elle peut facilement rencontrer le sublime. C’est ainsi que l’œil avide de l’Arabe découvre l’ombre d’un arbuste au milieu des déserts brûlans où il s’égare. On fait alors de grandes choses ; mais c’est sans le savoir : on n’agit que par instinct. Qu’est-ce en effet que le sublime, sinon une exagération perpétuelle, un colosse que l’ignorance construit & admire ? Le génie, dans ses bonds