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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/171

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Mais, dès qu’un rayon vient l’éclairer, dès qu’il sort de cette gravité imposante & taciturne, il commence d’abord à entrevoir le beau ; il taille, il façonne, il se crée des regles : le goût & la délicatesse viennent & enfantent le joli, mille fois plus séduisant. On ne voit plus sur les tables le dos énorme d’un bœuf, d’un sanglier, ou d’un cerf. On ne voit plus des héros grossiers dévorer des moutons, des princesses filer ou faire la lessive. On s’honore d’une noble oisiveté ; & des mets délicats, remplis de sucs quintessenciés, se succedent pour réveiller un appétit sans cesse éteint & renouvellé.

Les guerriers (si toutefois ils mangent) effleurent l’aile d’un faisan ou celle d’une perdrix ; quelques-uns d’entr’eux ne vivent même que de chocolat ou de sucreriees. On ne vuide plus des outres, on goûte des liqueurs fines, poison délectable & chéri. Les hommes au poignet de fer, à l’estomac d’autruche, aux muscles nerveux, ne se montrent qu’à la foire.