Aller au contenu

Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 180 )

altération se manifeste sur les visages : on a froncé les sourcils par air ; mais le cœur est demeuré froid. La même indifférence attend ces ames indifférentes.

On devroit louer, comme les anciens, des pleureurs aux enterremens, puisque nous ne versons plus une seule larme à la mort de nos parens & de nos amis. Un homme apprend que sa femme vient de se noyer ; il frappe du pied & dit : cela est bien désagréable !

Dans l’espace de cent années, il faut que deux millions cinq cents mille individus déposent leurs ossemens & leurs chairs alkalisées sur un point de six mille toises de circonférence ; & dans cet espace, trente cimetieres suffisent pour recevoir ce grand nombre de cadavres. Chaque paroisse réclame ses morts avec un soin jaloux, & il faut des dispenses pour aller pourrir un peu plus loin.

Certes il n’y a point de champ de bataille où la mort fasse entendre d’une voix plus terrible & plus éclatante ces mots de la