Aller au contenu

Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 293 )

place. Il ne reconnoît ni le quartier, ni la ville, ni les objets qu’il y avoit vus autrefois. Les demeures de ses voisins, empreintes dans sa mémoire, ont pris de nouvelles formes. En vain ses regards interrogerent toutes les figures ; il n’en vit pas une seule dont il eût le moindre souvenir.

Effrayé, il s’arrête & pousse un profond soupir : cette ville a beau être peuplée d’êtres vivans ; c’est pour lui un peuple mort ; aucun ne le connoît, il n’en connoît aucun, il pleure & regrette son cachot.

Au nom de la Bastille qu’il invoque & qu’il réclame comme un asyle, à la vue de ses habillemens qui attestent un autre siecle, on l’environne. La curiosité, la pitié s’empressent autour de lui : les plus vieux l’interrogent & n’ont aucune idée des faits qu’il rappelle. On lui amene par hasard un vieux domestique, ancien portier, tremblant sur ses genoux, qui confiné dans sa loge depuis quinze ans, n’avoit plus que la force suffisante pour tirer le cordon de la porte. Il