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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/308

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plus rien ; il abhorre la tranquillité & le loisir dont il jouit : ce qui prouve qu’il y a une volupté exquise à régir la foule des humains, à leur inspirer tour-à-tour la crainte & l’espérance, & à recevoir, en qualité d’homme puissant, leurs louanges intéressées, leurs respects simulés & leurs courbettes mensongeres.

Quelle vie, par exemple, que celle d’un lieutenant de police ! Il n’a pas un instant à lui ; il est obligé tous les jours de punir ; il tremble de se livrer à l’indulgence, parce qu’il ne sait pas s’il ne se la reprochera point un jour. Il a besoin d’être sévere, & d’aller contre le penchant de son cœur ; il ne se commet pas un crime dont il ne reçoive l’image honteuse ou cruelle. On ne lui parle que d’hommes vicieux & de vices ; à chaque instant on vient lui dire, voilà un meurtre, un suicide, une violence ! Il n’arrive pas un accident, qu’il ne lui faille ordonner le remede, & précipitamment ; il n’a qu’un instant pour délibérer & agir, & il faut qu’il craigne également, & d’abuser